jeudi 29 janvier 2015

Jour 127 à 132 : des confins des Cardamones à la capitale - Chi Phat et Phnom Penh (23 au 28/01)



En moins d'une semaine, nous sommes passés du calme de la forêt des Cardamones à la vie trépidante de la capitale Phnom Penh.


Chi Phat, plongée au coeur de la forêt des Cardamones

Vendredi matin, nous quittons Otres beach. Un tuk-tuk nous emmène dans le centre de Sihanoukville au bureau des bus de la compagnie Virak Buntham, où nous attendons ... 1h que le bus arrive. Notre destination est le village de Andoung Teuk, sur la route qui relie Sihanoukville à Koh Kong (10$ comprenant le tuk-tuk jusqu'au centre de Sihanoukville). Nous précisons bien au conducteur du bus que nous voulons descendre à ce village, et c'est ce que nous faisons 3h plus tard.
Il faut l'avouer, nous sommes bien au milieu de nulle part. Quelques échoppes bordent la grande route, dont un restaurant. Un homme vient à notre rencontre avec un papier marqué "Lucie". C'est bien nous ! Il nous accompagne sur les 500m qui nous sépare du petit bateau à moteur qui va nous emmener jusqu'au village de Chi Phat.

Qu'est-ce que ce village???
Chi Phat est un village au milieu de la forêt des Cardamones, deuxième plus grande forêt d'Asie du Sud-Est, où survivent encore quelques espèces protégées (dont des éléphants et des singes, dont le Gibbon) et en voie de disparition (le crocodile de Siam et des tigres qui n'ont plus été aperçus semble-t-il depuis les années 90). Ce village vivaient il y a encore quelques années du braconnage et de la déforestation. Aujourd'hui, il a été converti en un éco-village, où le mot d'ordre est la protection du milieu naturel et de ces divers habitants. L'idée est donc de faire vivre le village grâce au tourisme responsable, et d'impliquer un maximum d'habitants dans ce projet : hébergement chez l'habitant, guest-house, moto-taxis, guides pour les randonnées, ...
Depuis Andoung Teuk, on peut rejoindre le village soit en bateau, soit en moto-taxi. Il est conseillé de réserver son moyen de transport à l'avance (même un jour) sur le site du village pour éviter toute déconvenue (plus de bateau, petites arnaques diverses à l'arrivée de la part de gens qui ne font normalement pas partie de la communauté du village).
Nous avions réservé pour le trajet en bateau (www.chi-phat.org), et nous en sommes bien contents puisqu'un autre couple de Français qui ne l'a pas fait s'est vu refuser l'accès au bateau par un gars (celui du resto qui nous a accueilli) qui voulait tirer bénéfice de leur transport et leur imposer un bateau plus cher. Ils finissent quant même par réussir à monter à bord, un peu énervés par ce premier mauvais contact.

Nous voici donc partis pour 2h de navigation sur un grand bras d'eau au milieu de la jungle. On tombe parfois sur d'énormes bateaux qui pratiquent l'extraction du sable au fond de l'eau. Ce lieu, comme beaucoup au Cambodge, est menacé par la course au développement rendue possible par les investissements étrangers, notamment chinois, qui ont peu de scrupules pour la nature. C'est donc une lutte continuelle que doive mener les défenseurs de l'environnement.


Très vite, nos petites fesses souffrent de la rudesse des planches en bois qui servent de siège à bord du bateau, et c'est soulagés que nous arrivons à Chi Phat.



Le jeune conducteur du bateau nous emmène au bureau central du village, le CBET. C'est de là que nous organisons notre séjour ici : logement, trek et repas.
Nous optons pour le séjour chez l'habitant (4$ la nuit) et un trek de deux jours et une nuit dans la forêt (45$).
La famille qui nous accueille, bien que ne parlant pas anglais, est très aimable. La maîtresse de maison, à défaut de mots, rigole tout le temps.

Notre homestay
La douche se prend en plongeant un récipient dans l'eau collectée à l'intérieur de la salle de bain.

Pour les repas, c'est soit chez l'habitant (2,50$), soit au CBET (3,50$), et les rations sont plus qu'à la hauteur de nos estomacs.

Samedi matin, nous décollons après un petit-déjeuner au CBET, direction la forêt, et une journée de ... 20km de marche ...
Nous sommes accompagnés d'un autre couple et d'un voyageur solitaire, ainsi que de deux guides et un cuisinier (Mr Cook).
Nos deux guides
Les deux guides ont respectivement 20 et 33 ans, arrivent à se faire comprendre en anglais (même si c'est parfois compliqué). Le plus jeune a fini ses études il y a peu, et est guide depuis 6 mois. Le second est guide depuis 5 mois, et on n'arrivera pas à savoir ce qu'il faisait avant.
Le cuisinier transporte sur son dos un énorme wok en plus des légumes frais, du riz, des nouilles et de la vaisselle. En résumé, ça pèse lourd, mais il gambade gaiement alors que nous on n'en peut déjà plus, sous le soleil de plomb et nos sacs de 6kg (qui contiennent notre hamac pour la nuit, 3L d'eau, nos duvets et autres affaires perso).
Mr Cook
La diversité des paysages que l'on traverse est assez stupéfiante : entre forêts d'arbres replantés, plaines recouvertes d'herbe, terrains de sable et de terre rouge, et finalement la jungle.
Au loin, les cris de gibbons, ces singes dont la race n'a été découverte que dans les années 2000.
La faune que nous apercevons est composée de petites araignées, de papillons et autres insectes volants.






Lorsque le jeune guide nous demande quel est l'animal que nous craignons le plus et que Lucie répond les grosses araignées, il se moque un peu, et nous répond que ce sont les cobras qu'il faut craindre et que les araignées elles ne tuent pas ... il n'a pas tord.

En milieu d'après-midi, nous nous rendons au "waterhole", le grand trou d'eau où viennent s'abreuver les éléphants (dont on aperçoit d'ailleurs les pas) et autres animaux de la jungle. Pour tenter de les apercevoir, il faut venir ici très très tôt le matin ou le soir.

Le trou d'eau, c'est l'herbe bien verte là derrière.
Nous sommes en pleine saison sèche, donc très peu d'eau.
L'empreinte du grand mammifère
Pour notre part, nous dormons quelques 6km plus loin, sur les bords d'une cascade, où il fait bon se rafraichir après la longue journée de marche qui nous a épuisé.

Chemin vers le campement

L'entrée dans l'eau ...
... et la sortie
Ce papi ne sait pas nager, pourtant il va étendre son filet de pêche
au milieu du lac en flottant et se démenant sur ces deux bidons
C'est un vrai campement qui est installé ici. Mr Cook se met tout de suite à la préparation du dîner, pendant que les guides installent nos hamacs en deux temps - trois mouvements.


Durant le dîner à la bougie, le jeune guide nous raconte les légendes locales sur les fantômes et les tigres. Ce serait en raison de ces derniers que les maisons ici sont construites sur pilotis (d'après une histoire digne du petit chaperon rouge). Quant aux chiens, ils aboient la nuit car ils peuvent voir les fantômes qui rodent. 
Il nous prévient enfin que des éléphants peuvent venir dans les parages la nuit (c'est arrivé quelques jours avant). Dans ce cas là, il vaut mieux ne pas leur mettre la lumière en pleine tête, et déguerpir vite fait bien fait (ou allumer un feu). L'animal sauvage peut être assez énervé au contact des humains, surtout s'il a des petits. Pour nous, la nuit se déroule paisiblement, au son des grillons et autres animaux de la forêt. Mais on se sent protégés dans nos hamacs-moustiquaires.

Le duvet s'impose, il caille la nuit
Le lendemain, dimanche, nous reprenons notre route (14km cette fois). Nous longeons des chemin où vivent des communautés locales, avant de rejoindre la grande piste de terre rouge, fort peu intéressante et qui n'en finit plus.



Nous déjeunons au bord d'une cascade à quelques kilomètres du village. C'est épuisés par la marche sous 35°C que nous rentrons !

Phnom Penh : entre douceur de vivre, pauvreté et bars à hôtesses

Lundi matin, un moto-taxi (7$) nous ramène jusque Andoung Teuk, où le bus en direction de Phnom Penh fait un bref arrêt à 9h30. C'est le CBET qui a réservé les billets pour nous (7$). Nous voulions initialement remonter vers Battambang mais pas de bus pour s'y rendre d'ici, et le passage par la capitale est donc obligatoire.

Nous redoutons un peu cette grande ville, après la forte agitation qui nous a fatigués notamment à Ho Chi Minh, et à Hanoi au Vietnam.
C'est donc avec une agréable surprise que nous découvrons que Phnom Penh (du moins le centre-ville qui borde la rivière) est une ville où il fait bon se balader. La circulation est raisonnable, le klaxon n'est utilisé qu'en cas d'extrême nécessité, et un on-ne-sait-quoi fait que l'on s'y sent tout de suite bien.


La mission "trouver un hôtel" est vite remplie (Happy House, 10$ la chambre double). 
La majorité des rues ici n'a pas de nom, juste un numéro, plutôt pratique pour s'orienter. Notre base se trouve donc au croisement de la 172 et de la 19, choix que nous apprécions bien dans les jours suivants puisque notre positionnement se révèle assez central, et la rue 172 comporte pas mal de petits restos sympas et pas chers.

Il est déjà 15h, soit juste le temps de manger un morceau (le Chilly Noodle House de la rue 172 est top, pâtes fraîches et service rapide) et de filer au Palais royal et la Pagode d'Argent (6,50$, t-shirt recouvrant les épaules et short sous le genoux obligatoires). Nous embauchons également un guide pour la visite (10$).
Le palais est aujourd'hui encore la résidence principal du roi. Pour rappel, le Cambodge est une monarchie parlementaire, où le roi a un rôle plus ou moins symbolique. La dynastie des Norodom est en place depuis la fin du XIXe siècle mais son règne a été entrecoupé notamment par le régime des Khmers rouges.



Au premier plan, maquette du temple d'Angkor

Les cendres des anciens monarques reposent toutes ici, dans des stupas.


17h : nous partons à la recherche d'un bar-resto où prendre un verre. Nous nous éloignons de notre quartier en direction de la rue 51, où il y a l'air d'avoir quelques bars mentionnés sur notre carte de la ville. On rentre dans le Walkabout, qui a l'air assez fréquenté. En y regardant d'un peu plus prés, on se rend un peu plus compte du type de clientèle : des hommes occidentaux d'un âge avancé, et des jeunes filles cambodgiennes en tenues dignes des boîtes de nuit les plus hot. On le comprend vite, nous sommes dans un bar à ... putes. Enfin, oui et non. D'après nos lectures sur le sujet, les jeunes femmes sont pour la plupart rémunérées pour faire consommer les clients. Mais pour la plupart, l'objectif ultime est de passer à l'étape supérieure, pour une nuit ou quelques heures. La prostitution est la deuxième activité principale des femmes du pays, après l'industrie du textile, et elle est bien mieux payée. L'arrivée de l'industrie du sexe dans le pays remonte aux années 90, lorsque les forces de l'ONU ont été présentes dans le pays pour maintenir la paix suite à la chute des khmers rouges. A la question "quelle sera l'héritage de la mission de l'ONU?", le premier ministre Hun Sen répondit "le sida". La face plus que néfaste de cette activité est la pédophilie, puisque beaucoup d'enfants des rues (et malheureusement il y en a un grand nombre) se prostituent.
Petite lecture conseillée : http://www.slate.fr/story/38705/prostitution-cambodge

Nous fuyons le lieu et repartons vers les rues un peu plus au Nord de notre hôtel où il y a aussi pas mal de bars ... à filles. Mais où vont les gens de notre âge qui veulent juste boire un verre ??? Et bien soit dans les bars le long du fleuve, soit dans les guest-house d'après ce qu'on en a vu.
Installés en terrasse, plusieurs enfants nous abordent pour nous vendre divers bracelets, foulards et porte-monnaies. Parlant très bien anglais, ils font aussi preuve d'un grand sens de la négociation. D'autres font la manche. Cette face sombre du Cambodge n'en ai pas moins une réalité que nous apercevons de très loin, mais qui est pourtant tellement visible.

Mardi, une bonne marche nous amène au sud de la ville.

Monument de l'amitié Cambodge-Vietnam
Monument de l'indépendance


Arrêt un peu prolongé dans un marché, fréquenté uniquement par des locaux, un vrai temple de la fringue. Nico s'achète deux shorts Zara pour 11$. Les soit-disant bonnes affaires du sur-mesure de Hoi An au Vietnam nous semble maintenant une bonne escroquerie, d'autant que l'on s'est vite aperçu de la faible qualité des tissus qui ont été utilisés pour nos T-shirts et shorts. Un vacancier peut se rhabiller ici tranquille pour l'année !

De fil en aiguille (et tuk-tuk), nous arrivons au musée du génocide de Tuol Sleng (3$).


Cette école du temps du protectorat français fut convertie en prison secrète sous les khmers rouges.




Le grand sens de l'organisation des khmers rouges fit qu'ils
conservèrent des photos de tous les détenus.
Pour rappel, les khmers rouges, sous l'égide de Pol Pot, ont dirigé le pays de 1975 à 1979. Dans ce lapse de temps, on estime que 3 millions de Cambodgiens moururent (soit exécutés par le régime, soit de maladie ou de malnutrition), sur une population totale de 8 millions d'habitants. Le mouvement khmer rouge, qui devait libérer le pays l'a conduit à sa destruction. Parmi l'un de leurs slogans : "Mieux vaut tuer un innocent par erreur que de laisser un coupable en liberté".
Les intellectuels devaient être éradiqués. Aussi, quiconque portait des lunettes était automatiquement considéré comme un ennemi. Les villes furent intégralement évacués pour repeupler les campagnes et mettre les gens au travail de la terre sous des conditions dignes du pur esclavagisme. Les écoles furent interdites et fermées. 
Bien que libéré en 1979 par les Vietnamiens, les Khmers rouges demeurèrent les représentants officiels du pays sur la scène internationale jusque la fin des années 1990 (ils siégeaient même à l'ONU), avec l'appui notamment des Etats-Unis et de la France. Ce n'est qu'en 2007 qu'un procés pour crimes contre l'humanité fut ouvert contre les 4 principaux dirigeants du parti encore vivants. Pol Pot lui est mort en 1998, vraisemblablement empoisonné.
On ne peut que vous inviter à lire l'histoire du pays sur les cent dernières années.

Mercredi, nous avons continué cette approche de ce passé tragique par la visite de camp d'exécution de Choeung Ek (6$ avec audioguide), à 15km de la ville. C'est ici qu'étaient emmenés les prisonniers de Tuol Sleng pour être exécutés. Des ossements on été retrouvés dans des dizaines de fosses communes. Une stupa de 17 étages a été érigée ici pour rassembler une grande partie de ces ossements.



Chaque mois, les employés du site récupèrent des os et bouts de vêtements qui continuent de rejaillir du sol du fait des pluies.

Le sol est jonché de ses trous, anciennes fosses communes
Les bébés étaient tués, fracassés sur cet arbre
L'après-midi est consacré à l'écriture de notre cher blog et au repos. Nous nous rendons le soir venu au marché de nuit, où là aussi on trouve une multitude de vêtements, et un karaoké géant (tympans fragiles s'abstenir!).

C'est notre dernière soirée dans l'agréable Phnom Penh.
Jeudi, direction Battambang.

1 commentaire:

  1. Notre pays a beaucoup à se repprocher....
    A très bientôt vers de nouvelles découvertes,
    Bisous

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